+ Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (10, 11-18)
« Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10,11)
« C’est par le nom de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié, mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant. »
C’est par ce témoignage de Pierre comparaissant devant le Sanhédrin que la liturgie d’aujourd’hui nous introduit à vie nouvelle des disciples de Jésus, Pierre et Jean, après l’incarnation, la passion, la mort et sa résurrection de Jésus, Fils de Dieu.
Si cela ne concernait que Pierre et les apôtres intimes de Jésus, nous aurions un récit édifiant, sans plus. Mais ce passage des Actes des apôtres nous apprend à nous aussi, comme aux membres du Grand Conseil des Juifs, le renouvellement profond de notre humanité que nous vivons en tant que
disciples du Christ, en conséquence de l’incarnation, la vie, la passion, la mort et la résurrection de Jésus.
Que s’était-il passé ? Retournons au récit qui précède l’épisode racontée aujourd’hui dans la première lecture. Dans les Actes des Apôtres (3,1-10), Pierre et Jean se rendaient au Temple pour prier au moment même où on apportait un infirme de naissance, incapable de marcher avec ses pieds et ses chevilles difformes. On l’apportait à la porte du Temple pour qu’il demande l’aumône à ceux qui entraient.
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3 Voyant Pierre et Jean qui allaient entrer dans le Temple, il leur demanda l’aumône. 4 Alors Pierre, ainsi que Jean, fixa les yeux sur lui, et il dit : « Regarde-nous ! » 5 L’homme les observait, s’attendant à recevoir quelque chose de leur part. 6 Pierre déclara : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche. » 7 Alors, le prenant par la main droite, il le releva et, à l’instant même, ses pieds et ses chevilles s’affermirent. 8 D’un bond, il fut debout et il marchait. Entrant avec eux dans le Temple, il marchait, bondissait, et louait Dieu. 9 Et tout le peuple le vit marcher et louer Dieu.
Le mendiant guéri ne lâchait pas Pierre et Jean, plein de reconnaissance. Cette guérison a attiré beaucoup de Juifs qui constataient le miracle qu’avaient fait Pierre et Jean; alors Pierre a pris la parole pour leur dire que ce n’était pas par leur puissance ou leur piété qu’ils avaient guéri l’infirme, mais par le Nom de Jésus, celui-là même qu’ils avaient livré, renié, fait mourir. « Dieu l’a ressuscité des morts, nous en sommes témoins… c’est la foi en Jésus qui l’a rétabli en bonne santé » (Actes 3, 15-16).
Le texte des Actes des Apôtres est enthousiaste à la fin du récit et ajoute en exagérant à peine : « beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole (de Pierre) embrassèrent la foi, et le nombre des fidèles, en ne comptant que les hommes, fut d’environ cinq mille » (Actes 4,4).
« C’est par le Nom de Jésus… »
« Contrariés de voir Pierre et Jean enseigner et annoncer en la personne de Jésus la résurrection des morts », « le commandant du Temple et les Sadducéens les ont arrêtés et emprisonnés jusqu’au lendemain pour les faire comparaître devant le Sanhédrin, le tribunal suprême des Juifs.
C’est là que nous entendons Pierre (avec Jean et l’infirme) s’adresser aux chefs du peuple et aux anciens, dans l’extrait que nous avons entendu : «… c’est par le nom de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié, mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant… En nul autre que lui, il n’y a de salut…»
Avons-nous cette puissance, nous aussi ?
Nous n’aurons pas tous le spectaculaire de guérir en public (et en un instant) un infirme de naissance connu de tous et de témoigner que c’est au Nom de Jésus livré à la mort et ressuscité; mais tous et toutes nous pouvons et devons voir et nous approcher des malades, des infirmes, des mendiants de notre monde, nous ne pouvons pas nous retenir de chercher à les soulager, les soigner, les guérir même.
Peut-être même à votre insu – je dirais même surtout à votre insu – l’Esprit de Jésus vous permettra de vous faire proche de ceux et celles qui vivent une difficulté, une infirmité, quelle qu’elle soit : physique, psychologique, spirituelle, économique, sociale… Au Nom de Jésus – pas en jouant au magicien ou au sorcier – vous consacrerez de votre temps, de votre énergie à trouver moyen de soulager, de guérir, de relever un frère, une sœur qui vit une difficulté, qui souffre, qui désespère…
Vous serez partout et en tout temps vigilants dans la prière pour avoir les yeux du Christ-Jésus, pour détecter toute détresse et recevoir de l’Esprit la force d’intervenir fraternellement pour accompagner, soigner, guérir de quelque maladie, infirmité ou langueur avec la puissance de Jésus qui s’est laissé émouvoir devant toute détresse, qui a été incompris, rejeté, torturé et tué puis est ressuscité, vainqueur de la mort et de la bêtise qui tue.
Avec Lui, le Christ-Jésus, vous avons reconnu l’amour dont nous étions aimés et que nous pouvions désormais porter à notre prochain, même s’il se présentait comme notre ennemi. « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu…» (1 Jean 3,1) Le «monde» ne peut pas nous connaître, comme il ne pouvait pas connaître ni Jésus, ni ses disciples. Mais déjà, même si c’est encore très partiel et presqu’inconscient, nous sommes enfants de Dieu et dans la mesure où nous le voyons, nous lui devenons semblables et nous partageons sa mission de bon Berger, bon Pasteur… auprès des brebis en santé, comme auprès de infirmes et des égarées. «Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »
Voilà pourquoi, comme Pierre et Jean voient l’infirme qu’on apporte pour mendier, nous voyons aussi les infirmités et les détresses de nos frères et sœurs et, au nom de Jésus, nous nous faisons prochains et intervenant pour soigner, guérir, relever… Nous savons que nous avons été aimés. De l’amour dont nous avons été aimés, nous aimons à notre tour. « le Père m’aime, dit Jésus, parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau (Jean 10,18) ». Nous ne sommes jamais perdants lorsque nous aimons.
La nature – et encore plus la Révélation – nous apprennent que l’amour est liée intrinsèquement à la vie. Nous avons appris de Dieu, et de la réflexion sur nous-mêmes, que l’amour est un programme simple, universel et indestructibles, malgré tous les assauts de la haine, de la violence, de l’injustice, des dictatures, des abus de toutes sortes.
Observez les plantes, les oiseaux, les petits animaux qui sortent de leur hivernation et qui, chacun à sa manière dit ce que nous pouvons formuler simplement en «je» : « Je veux que tu existes, que tu vives, que tu sois autonome, libre, conscient de ta dignité, fécond, heureux et délivré de tout mal parce que l’amour refuse de t’abandonner au mal « tu n’appartiens pas au mal » (celui que tu fais, celui qu’on te fait, celui qui vient des faiblesses de la nature : maladies, infirmités, vieillissement, mort…)
Si tu aimes ainsi, tu ressembles à ton Père, à ton Rédempteur, à l’Esprit Saint. Si tu aimes ainsi, tu trouves la paix intérieure, la joie, la sérénité, malgré les incompréhensions, les persécutions, les échecs, les violences… et même la mort. Pour employer l’image très forte que Jésus utilise dans la portion d’Évangile que nous avons proclamé, tu es partenaire du «Bon Pasteur» qui connaît les siens et qui donne sa vie pour ses brebis. Comme Jésus le dit, tu le dis aussi, avec la foule innombrable de ceux qui aiment – même enfouis dans les goulags, les colonies pénitentiaires, les Polar Wolf du monde : «j’ai le pouvoir de donner ma vie, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau…» Ceux et celles qui aiment ainsi sont invincibles… donc Vainqueurs, comme leur Seigneur et Maître. AMEN !